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Chronique d’un réveil annoncé

jeudi 4 octobre 2012, par Séverine

Le réveil du moulin :

Juillet 2010

Monique, une des trois propriétaires du moulin depuis 2003 donne carte blanche à notre envie de réveiller le moulin. Le projet : restaurer le bâtit et la machinerie nécessaire à faire tourner le tout pour moudre le grain des agriculteurs de la région. Au fil de l’Ourthe orientale, du four au moulin.

Premier chantier :

Découverte des lieux, des toiles qui relient un outil à l’autre, les poulies, manèges, roues, chaînes et engrenages.
Epoussetage de la bluterie, déshabillage des roues, délestage du planché de ses vieilles planches pourries pour y voir plus clair.
Le moulin se dévoile ainsi, petit à petit. Son mode d’emploi et ses secrets se révèlent avec ceux des meuniers passés par là.
Nettoyage du chenal et mise au sec de la roue baignée 40 ans dans un fond de boue qui au fil des jours à grignoté une partie des augets trempés. C’est un gros travail, lourd et glissant ; l’accès au chenal et à la roue, ayant éprouvé eux aussi l’usure du temps, est scabreux, le talus s’éffondre, les escaliers de jadis ne sont plus que marches disparates balançant sous nos pas.

On maçonne : les murs et escaliers menant à la roue.
Le mur de soutènement du bief menace de s’écrouler sur la roue, il faut le soutenir et refaire l’escalier et travailler l’étanchéité du bief afin d’amenuiser les infiltrations responsables des failles et des écroulements.

À l’intérieur tous les engrenages sont frottés, décoincés et graissés, les courroies détendues, les pierres soulevées, les planchers et escaliers remplacés, la chaîne à godets démontée, le blutoir décortiqué.
Au fur et à mesure les besoins et exigences d’un moulin qui tourne se précisent. C’est une machine minutieuse, une ingénieuse simplicité.

Le paysage du moulin s’élargit au rythme de son apprivoisement. Le bief nous mène au canal, le canal d’amenée. La promenade en aval nous conduit jusqu’à Montleban où, à l’ombre d’un taillis, le ruisseau de jadis fût détourné pour laisser, au besoin de la mouture, une partie de son eau cheminer vers le moulin. Le canal trace son lit à travers champs sur 1 km pour gagner de la hauteur et aborder la roue à auges avec une chute de 4 mètres.
La vanne de la prise d’eau n’existe plus que dans l’imagination de celui qui pose les yeux sur une pierre d’achoppement encore plus ou moins debout, le reste à du être emporté avec les derniers efforts du dernier meunier.
Une seconde vanne construite derrière le château ne laisse apparaître elle aussi qu’un souvenir. Le canal est maigre, chaque goutte est précieuse.
Le bief est rejointoyé, les berges remaçonnées, les vannes réinventées, le canal drainé... et la roue tourne, timidement mais assez pour vérifier que la machine n’avait pris que les rides vites dissipées du matin d’un long sommeil.
La roue tourne et toutes celles qui la suivent avec elle : le royen, le hérisson, le haut fer, la chaine à godets, le butoir… Le moulin chante telle une jonque dansant sur les vagues paisibles après la tempête.

Il manque encore quelques aménagements pour accompagner le grain moulu au four.
Les cheminées du moulin à l’élévateur, de celui-ci au blutoir et du blutoir aux sacs sont à refaire. Le chemin ainsi complet laissera la place aux expériences de la mouture et ses surprises.

Lundi 18 juin. Nous amenons du froment de la ferme des hayons, de l’épeautre décortiqué chez Odon et du maïs, des hayons lui aussi, grillé au four à Limerlé.
Premier essais de mouture avec le froment, le moulin semble retrouver ses vieilles habitudes, la roue chante sous la chute, les engrenages valsent, les pierres se frôlent, le grain tombe tranquillement dans l’œil de la meule tournante. Il nous faut redescendre la pierre, le grain sort presqu’indemne de son passage entre les meules.
Au fur et a mesure que les pierres se rapprochent la farine devient. L’équilibre semble tout proche, oui, oui, c’est bien de la farine qui tombe, belle. Paf, boum scratch le rouet s’arrête brusquement, encastré d’un centimètre dans le mur tout proche. On ferme les vannes.
Nous avons moulu les premiers 3 kilos, c’est génial.

Facécieux, le moulin nous invite à approfondir encore un peu la connaissance de son système intime.
On dirait que l’axe de la grand roue au rouet a bougé d’un centimètre vers l’intérieur et vers le bas aussi. Visiblement le palier a été chipoté, réajusté, bidouillé plus d’une fois.
Y a pas à tourner autour du pot. Deux leviers, un palan et quelques essais nous amènent a soulever l’axe de 10 cm. Nos yeux s’intriguent des deux trois minces morceaux de métal jaune, écorchés, usés jusqu’à plus rien, reste d’une pièce manquante.
La buselure, petit morceau de tuyau en bronze dans lequel tourne l’axe dans le palier.
Il n’en reste que des bribes. Mais sans cela l’axe descend d’un cm, se décale aussi un peu …
Un peu c’est vite de trop, les engrenages défient le temps avec l’exigence du réglage parfait.

Glesner de Bourcy nous refait une buselure, on l’attend patiemment.
c’est finalement Grégory qui l’a fera, beau travail de tourneur. L’axe est remis en place.
nous reste a restaurer la vieille dentission, les alluchons comme on disait jadis, sont à remplacer. Germain, menuisier à la retraite nous fait, et se fait un plaisir de refaire les dents dont le moulin a besoin.

Aujourh’hui le moulin tourne, il chante. c’est beau.
Il nous reste a rencontrer le meunier qui est en nous, merci Odon pour tes conseils, et faire une bonne farine de cette poétique aventure qui ne fait que commencer.